Pour des relations durables entre les arts et les affaires

Lors de la saison 2006-2007, quelque 113 musées et galeries d'art, répartis dans les 10 provinces canadiennes, se sont séparés près de 11 millions $, versés par des entreprises privées, sous la forme de dons ou de commandites. Hill Stratégies Recherche, qui révèle ces chiffres dans sa série Regards statistiques sur les arts (vol.7, no.3), établit aussi que les revenus tirés de sources privées est la catégorie de revenu qui a le plus augmenté au cours des dix dernières années, avec une hausse de 47 %. Or, si la générosité des entreprises privées en faveur de ces institutions est indéniable, il n'en demeure pas moins qu'il s'agit souvent là d'une relation qui s'établit sur le schéma du demandeur et du pourvoyeur. Afin de dépasser cette dichotomie traditionnelle, plusieurs initiatives ont été mises sur pied au Canada dans le but de raffermir les liens entre ces deux milieux et ainsi créer des relations basées davantage sur un enrichissement mutuel.

Bâtir des ponts
Créé dés 1974 par un groupe de gens d'affaires désireux d'établir ce lien entre les arts et les affaires, l'organisme canadien Business for the arts a vu ses rangs s'enrichir, au fil des années, de nombreux dirigeants de grandes compagnies canadiennes (CIBC, RBC, BMO, TD, Bell Canada, par exemple). Aujourd'hui bien établi au Canada anglais, l'organisme remplit sa mission en poursuivant des activités de recherche, d'éducation et de représentation qui visent à faciliter la relation entre le milieu des affaires et celui des arts. Pourtant, l'organisme demeure mal connu au Québec, sans doute parce que ses opérations se font essentiellement en anglais.
Malgré l'absence d'équivalent francophone, le Québec n'est pas pour autant en reste entre autres grâce au travail de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. Celle-ci lançait, il y a quelques mois, le portail Internet Montréal Arts-Affaires, afin de concrétiser ses engagements pris lors du Rendez-vous Montréal métropole culturelle, tenu en novembre 2007. Le portail présente de nombreuses ressources à l'intention des organismes culturels et des entreprises privées.

La Chambre de commerce du Montréal métropolitain a aussi joué un rôle important dans le lancement de Bénévoles d'affaires, organisme fondé par deux représentants de la Jeune Chambre de commerce de Montréal. En 2008, l'organisme aura permis le jumelage de 169 gens d'affaires avec des organismes culturels et communautaires pour des mandats de courtes ou de plus longues durées. Ces jumelages auront permis, par exemple à l'Opéra de Montréal de bénéficier des conseils d'un expert en marketing, tout comme de combler des postes au conseil d'administration de l'organisme Vues d'Afrique.

Créer des occasions
C'est donc une véritable expertise sur les interfaces entre les arts et les affaires qui s'est développée au cours des années. Parmi les activités qui sont mises sur pied, on compte de nombreux événements, aux formules variées qui permettent de mettre en contact direct les artistes et les gens d'affaires. Les visites en coulisse après un spectacle, les vernissages sur invitation, sont autant d'occasions de développer des affinités entre les individus. Certaines entreprises se lancent même dans une relation à plus long terme avec un artiste, en invitant leurs employés à travailler avec celui-ci pour créer une œuvre originale. Ce concept original, développé par l'organisme Culture pour tous dans le cadre de son projet Art au travail, a déjà permis plusieurs réalisations intéressantes.

En terminant, mentionnons aussi que ces relations de plus en plus fructueuses qui s'établissent entre ces deux secteurs trouvent maintenant leur reconnaissance dans l'octroi de certains prix à des personnalités du monde des affaires qui s'impliquent dans le domaine des arts. En plus des prix remis par Business for the arts, le Conseil des arts de Montréal décerne les Prix Arts-Affaires, alors que la Fondation des prix du gouverneur général pour les arts de la scène octroi désormais le prix Ramon John Hnatyshyn pour le bénévolat.

Guillaume Sirois, historien de l'art